Lundi dernier, j'étais heureux. En effet la semaine s'annonçait particulièrement intéressante. Fastlane venait de passer, nous faisant entrer dans la dernière ligne droite avant WrestleMania 34, la WWE nous avait proposé d'interviewer Becky Lynch et la Chaîne L'Équipe nous invitait dans ses locaux pour nous entretenir avec Florian Gazan et Christophe Agius. Rien ne semblait assombrir le magnifique ciel sous lequel la petite équipe de Catch-Newz préparait ses articles. Et puis le monde réel vint me délivrer une tape à l'arrière de la tête...
L'émission "Quotidien" présentée par Yann Barthès avait encore une fois décidé de s'essuyer les pieds sur le Catch. Dans leur rubrique au nom aussi inspiré que subtil, "Mardi Transpi", Etienne Carbonnier et ses auteurs s'attardaient sur un semblant de dérapage de Florian Gazan concernant le poids de Nia Jax. Au-delà de vouloir dénoncer ce qui s’apparenterait de près ou de loin à de la "grossophobie" en ces temps de dictature du politiquement correct, le segment avait surtout pour but de montrer que le Catch était avant tout l'apanage des beaufs. Mission accomplie vu l'hilarité dans la salle et le micro-buzz généré sur cet extrait de 15 secondes.
J'étais fou de rage, encore une fois une émission de télé française avait pris un malin plaisir à rabaisser mon sport favori plus bas que terre. Après avoir balancé mon imprimante contre le mur d'en face (repose en paix EPSON Stylus D120, on en a vécu des beaux moments ensemble), la compilation de tous les reportages nuls sur le Catch se mettait à tourner dans mon esprit. On en avait vu en 20 ans des sujets mal foutus portant sur la discipline, que ce soit à la télé ou dans les pages de magazines en vogue. Pour les médias français le Catch, à l'image du Sumo, de la Pétanque, du Curling ou de l'Haltérophilie, s'est toujours inscrit dans la lignée des sports bizarres, pas assez populaires pour se faire respecter, mais suffisamment connu pour que tout le monde en ai déjà vu au moins une fois.
Pas une force d'appoint apparente
Toujours en plein milieu de cette rétrospective humiliante, je me rendis compte d'un léger détail. À aucun moment la communauté Catch n'avait décidé de mettre le holà et de gueuler un bon coup pour arrêter le massacre. Que ce soit dans les périodes creuses au début des années 2000s, ou bien lors de la re-popularisation de la WWE à la fin de cette même décennie, le laxisme du public persistait. Aujourd'hui encore il est rare de voir une vraie indignation quand un média se permet de ricaner sur notre passion commune. Dieu sait si pourtant cela serait salutaire car, contrairement aux sports sus-cités, le Catch en France ne dispose pas de fédération reconnue par l'Etat ou d'une présence dans des grands événements tels que les Jeux Olympiques.
Ici l'envie n'est pas de comparer la performance des catcheurs à celle d'un sport "légitime", mais plutôt de souligner le fait que notre spectacle tant aimé n'a rien pour faire pression sur l'opinion publique. Par conséquent, nous sommes condamnés à subir les assauts répétés de journalistes toujours plus fainéants et de consommateurs endormis prêts à juger le contenu d'une émission de Catch sans pour autant se rendre compte que leurs programmes télé favoris proposent ce qui se fait sûrement de pire en terme d'enrichissement intellectuel. À moins que...
Arrêtons d'être complices
En allant racheter une imprimante, je me suis rappelé que dans la plupart des sujets traitant du Catch, il y a presque toujours le témoignage d'un intervenant. Président d'association de fans, catcheur local ou même promoteur, à chaque saillie ignoble il semble que l'un des nôtres sert de caution à l'auteur du torchon. Là encore, nul besoin de venir critiquer ces personnes, il est évident qu'elles essaient toutes de présenter le Catch sous son plus beau jour. Malheureusement je pense que nous avons vu à quel point il était devenu impossible d'espérer quoi que ce soit des gens extérieurs à notre passion. Comme l'avait souligné Sturry dans un édito-vidéo sorti en 2016, il est peut être temps de faire scission avec ces individus.
En effet quel intérêt de venir offrir une onction culturelle à des gens qui, de toute manière, ne feront rien pour évoquer le côté positif de la pratique ? Clairement la popularité du Catch dans le pays n'a rien à voir avec ces-derniers puisqu'on l'a vu à maintes reprises, le nombre des fans augmente quand les petits acteurs de la communauté (des sites comme le notre, des vidéastes ou encore des promotions de Catch locales) arrivent à mobiliser assez de gens pour que la WWE comprenne que le marché français est bel et bien rentable.
Loin de moi l'envie de dicter la marche à suivre aux fans et organisateurs de shows, mais le meilleur moyen de protéger l'intégrité de notre discipline n'est-il pas d'apprendre à dire non ? Moi-même, quand j'étais bien plus jeune, il m'est arrivé de tout simplement refuser une proposition d'une émission d'une chaîne majeure. À l'époque le Catch reprenait de l'importance dans l’hexagone, et des journalistes voulaient en savoir plus sur ses passionés. Bien qu'adolescent, mon instinct m'avait bien guidé et j'avais tout simplement décliné l'invitation. Quelques semaines plus tard je tombais sur l'émission en question et je peux vous dire que l'individu qui avait pris la place qu'on me proposait était passé pour le plus grand guignol de son temps.
Inspirons-nous des gamers
Au lieu d'attendre les sollicitations des médias, et de finir trimbalé comme des animaux de cirque sur le plateau Evelyne Thomas ou de Michel Denisot, pourquoi ne pas aller vers ces-derniers pour se faire entendre quand cela est nécessaire. Par le passé, nous avons pourtant vu à quel point les mentalités peuvent changer quand un public sait se faire respecter. Ces 10 dernières années, le plus bel exemple de changement d'opinion sur une pratique a sans aucun doute été celui sur le Gaming. Avec le développement des jeux vidéos en ligne, les aficionados de ce genre de divertissement se sont multiplié à travers le monde, et leur force de persuasion est devenu si grande qu'il est devenu très rare de voir le Gaming moqué publiquement à une heure de grande écoute.
Pourtant raillée et montrée du doigt au début du millénaire, les journalistes ont très vite compris que la solide communauté des joueurs n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Je me rappelle encore la "controverse" autour d'Antoine de Caunes, qui après s'être moqué des utilisateurs du réseau Twitch, avait été forcé de s'excuser à l'antenne suite à la bronca qui était parvenue à lui via les réseaux sociaux.
https://www.youtube.com/watch?v=5eItS8UItiU
Il n'est pas de bon augure d'aller vous conseiller chers lecteurs de générer des raids dès qu'un chroniqueur de seconde zone se permet de nous insulter. Mais pensez peut être à vous mobiliser en masse la prochaine fois qu'une personne dont la voix porte malheureusement un peu trop trouve ça drôle d'entretenir des clichés qui font que pas mal de fans n'osent même plus évoquer leurs passion dans une discussion, de peur de l'éternelle moquerie des moins avisés.
Pour terminer, je dirai que nous ne ferons clairement pas changer les mentalités en un claquement de doigt, surtout quand on sait qu'au sein même que la sphère Catch en France les opinions diverges et les guerres de clochers font rage. Cela dit n'oublions pas que le simple fait d'aimer regarder ce sport-spectacle si particulier nous isole du reste du monde médiatique et culturel, il est donc bon de se rappeler que nous avons plus de raisons d'être solidaires que de se tirer dans les pattes. Désolé pour le côté un poil trop solennel de cette fin de chronique, mais après 13 ans de passion inconditionné pour le Catch j'ose croire qu'il sera un jour plus facile d'évoquer ma discipline favorite sans que les yeux s'écarquillent et que les sourcils de lèvent... D'ici là j'en aurai cassé des imprimantes, enfin pas trop j'espère, mon compte en banque n'étant clairement pas celui de Yann Barthès ou d'Etienne Carbonnier.